Même pas peur !

Là où je suis en stage,

On a pas peur de laisser les enfants grimper aux arbres, aux barrières, même haut, très haut. On a pas peur de les laisser toucher le feu, la neige, avec des bâtons, les mains. On a pas peur de faire des pop-corn ou des crêpes, sans consulter les fiches sanitaires. On a pas peur de faire avec elles et eux de la balançoire, même bancale, ou qu’ils et elles fassent du toboggan pas homologué en glissant sur des rouleaux avec une porte de placard bricolée en guise de luge. On a pas peur de les laisser sauter de haut, on a pas peur de les laisser tester des trucs, de pas les avertir de ce qui peut se passer.

Quand je dis on… en fait moi des fois j’ai peur. Des fois j’ai envie de dire attention, tu vas te faire mal, tu vas tomber, te brûler, t’étouffer. Mais de toute façon je sais pas le dire en allemand, alors je me tais, et je regarde, prête à parer une chute. Et puis tout va bien, elle retombe sur ses pieds, il ne se fracasse pas la tête sur le sol. Ils se tordent un doigt, pleurent un coup, elles se vautrent, sur un tapis (ou pas), se relèvent.
Et puis quoi ? C’est normal je crois. Ca veut pas dire que des fois y’a pas des accidents, que il ne faut pas aller aux urgences.
Ce qui est chouette c’est que ça paraît évident que les enfants doivent essayer, parce que j’ai pas vu un anim en trois semaines tenter d’empêcher un enfant de grimper sur un container-poubelle, de tracter une double poussette (vide) sur deux étages avec une corde. Alors je me demande si c’est moi qui suis une anim flippée (j’avais l’impression que y’avait pire que moi jusqu’à maintenant), si c’est un truc d’éducation, si c’est partout pareil en Allemagne...

Ce qui est drôle, c’est que dès qu’il s’agit de faire des activités manuelles, c’est tout de suite différent. Je comprends pas pourquoi. Il faut que les enfants fassent comme le modèle fait par l’anim. On mache et prémache les lapins en carton, on fait à leur place les œufs décorés à l’encre. Cela fait plusieurs fois que j’essaye de proposer une activité que je connais, pour changer (et pour me sentir utile…). Mais souvent on me réponds que c’est trop compliqué, trop long, trop libre. Ou alors on modifie ce que je proposais pour en faire un truc où c’est l’anim qui décide ce qui va être dessiné, modelé. Quand j’essaye de dire que j’aimerais faire autrement, ne pas faire de modèle, on me dit gentiment que les enfants vont être perdu.es. Ah, bon.

Je vais réessayer, insister un peu, et tenter d’en rediscuter avec les collègues, pour comprendre. Je vais aussi continuer de me taire, observer, apprendre.